samedi 27 juin 2015

Ces femmes qui écrivent - Elisabeth Seys




Voici un essai très intéressant et relativement bien documenté sur quelques unes de nos plus grandes figures littéraires.

A la fois dictionnaire et biographie, cet ouvrage dresse le portrait d'écrivaines françaises qui ont marqué le monde des lettres. L'auteure a volontairement choisi de n'évoquer que des françaises car le choix a déjà été difficile parmi elles, il eut donc été trop compliqué d'évoquer les célèbres plumes étrangères, mais peut-être y aura-t-il un autre volume ?

De Catherine de Pizan qui fut semble-t-il la première femme de lettres françaises au XIVème siècle, à notre contemporaine Annie Ernaux, en passant par Madame de Sévigné, Colette, Simone de Beauvoir ou encore Marguerite Duras, Elisabeth Seys enchaîne chronologiquement les portraits de ces femmes qui ont marqué leur époque.

Le grand intérêt de cet essai réside dans la construction des chapitres consacrés à ces femmes. En effet, pour chacune d'elle, l'auteure aborde le contexte historique et politique de l'époque, puis s'attache à la condition féminine avant de nous présenter chaque écrivaine et d'expliquer en quoi elles furent essentielles dans l'évolution de l'Histoire des femmes.  Enfin, elle analyse une oeuvre majeure et personnelle dans laquelle chacune aura eu à coeur d'utiliser "l'écriture du soi".

J'ai beaucoup aimé cette étude qui en apprend beaucoup, non seulement sur ces femmes qui écrivent, mais aussi sur leur époque. Par ailleurs, l'analyse du contexte féministe de chaque période est vraiment précise et intéressante, et apporte beaucoup à la compréhension de l'écriture de chacune tout en mettant en avant l'évolution de la condition des femmes. 

Ces femmes qui ont su et osé écrire sur elles ont sans aucun doute contribué à faire de celles d'aujourd'hui, des femmes libres et indépendantes !

"[...]c'est avec Christine de Pizan que naît l'écriture féminine à la première personne. La première, avec La Cité des dames, elle fait porter la réflexion sur sa féminité, sur les femmes dans le discours masculin ambiant, et sur une action possible à mener pour le "sexe faible""

"A cause de ce qu'elle a enduré du fait de la mort prématurée de sa mère, elle en vient à refuser dans toutes les figures féminines la maternité. En revanche elle lutte à chaque occasion qui se présente pour l'égalité des droits. Mais elle se refuse à adhérer au féminisme tel qu'il se présente à elle, lui reprochant une agressivité qu'elle juge stérile, et regrettant la volonté des femmes d'obtenir des libertés et un bonheur qu'elles définissent par leur identité avec ceux des hommes, déplorant ce conformisme. A ses yeux enfin, l'être qui crée agit de manière asexuée, échappant même à l'humain, se situant au-delà de lui." (à propos de Marguerite Yourcenar)

"Depuis Catherine de Pizan que nous avons choisie comme point de départ de notre réflexion, les femmes ont su progressivement acquérir une place dans la société et dans l'espace littéraire, une assurance dans l'action et dans la voix, qui témoignent de l'énergie que certaines ont su mettre dans leurs combats"


Christine de Pizan (1364-1430) : l'idéal politique au féminin ?
Marguerite de Navarre (1492-1549) : la femme en perspective
Madame de Sévigné (1626-1696) : l'autoportrait au miroir
Madame Roland (1754-1793) : l'invention d'une écriture citoyenne
Madame de Staël (1766-1817) : l'autobiographie masquée
Flora Tristan (1803-1844) : une enquêtrice à la recherche d'elle-même
George Sand (1804-1876) : autobiographie d'un nom
Colette (1873-1954) : vivre et écrire au féminin
Simone de Beauvoir (1908-1986) : naissance d'une pensée
Marguerite Duras (1914-1996) : la féminité comme élan
Marguerite Yourcenar (1903-1987) : repenser l'interrogation sur la femme
Annie Ernaux (1940-) : l'infigurable visage féminin



Ces femmes qui écrivent - Elisabeth Seys
Collection biographies & mythes historiques 
Ellipses - 430 pages

mercredi 24 juin 2015

L'arabe du futur 2 - Riad Sattouf



Je n'avais pas chroniqué le premier opus de L'arabe du futur, mais la lecture du deuxième tome me donne l'occasion de le faire. Par chance, cette BD, par son histoire, son graphisme et sa construction, m'a tellement plu, et la suite s'enchaîne tellement harmonieusement que mon souvenir du tome 1 est encore relativement frais !

Dans L'arabe du futur (1 et 2), Riad Sattouf, à travers son regard d'enfant et sa naïveté toute touchante, convoque ses souvenirs de petit garçon et son apprentissage de la vie, des coutumes et de la culture de la Syrie d'Hafez al Assad, le tout avec la perception des choses et l'interprétation des comportements humains que lui confèrent son tout jeune âge. Ainsi, là où le regard adulte (qui fut d'ailleurs le mien), a l'impression que ce pauvre petit bonhomme n'est entouré que de personnes complètement fadas, il faut y voir l'interprétation d'un enfant de six ans ! Et c'est là que Riad Sattouf fait vraiment très fort : réussir à peindre aussi nettement et précisément, des souvenirs si lointains tout en ayant conservé cette vision enfantine !

La figure du père est toutefois très marquante. Ce jeune père d'origine syrienne qui entrepris de brillantes études à la Sorbonne est quelqu'un de complètement exalté quand il s'agit d'initier son jeune fils à la vie syrienne ! A contrario, la mère, jeune bretonne semble être sous la coupe de son mari sans que cela ne semble la perturber. Elle suit le mouvement, accepte ses frasques et ses idéaux, mais sait de temps en temps pousser son petit coup de gueule lorsqu'elle n'en peut plus !
Les BD sont construites en chapitres relatant des scènes et anecdotes de la vie quotidienne, le graphisme est agréable et j'ai beaucoup apprécié les nombreuses remarques de l'auteur qui viennent s'ajouter au déroulé de l'histoire et apportent de cocasses précisions au fil des vignettes. Enfin, j'aime beaucoup le regard que portait le petit Riad sur lui-même : un homme éblouissant, précieux, aux magnifiques cheveux dorés, un vrai petit ange en fait ! Touchée également par sa manie, déjà tout petit, de dessiner Pompidou à tire-larigot et d'en être fier !
Ah oui, il faut que j'évoque également cette scène, où toute la petite famille s'en va visiter les ruines de Palmyre et où le petit Riad, fasciné par les restes archéologiques au sol, voudra en mettre quelques-uns dans sa poche et se fera gronder par son papa qui trouve ces choses sales... Triste écho à une certaine actualité...

Le premier tome balaie la période de 1978 à 1984, de la rencontre de ses parents à sa sixième année. Le deuxième tome couvre quant à lui une seule petite année : 84 à 85. Mais quelle année ! Celle de l'entrée du petit Riad dans une école syrienne !

Comme à chaque fois qu'une suite est prévue, je suis restée sur ma faim et un peu frustrée que cela s'arrête. Il me tarde donc de pouvoir lire le troisième tome !


 




samedi 20 juin 2015

Joyeux anniversaire à Lire !


Photo anniversaire de la Rédaction. Source : Lire


Le magazine Lire a fêté ses 40 ans il y a quelques jours ! 
Je ne le lis pas depuis 40 ans, mais j'espère bien pouvoir le lire encore, 40 ans durant !

Ainsi, le numéro du mois de juin fête dignement cet anniversaire avec un magazine enrichi de dossiers spéciaux : interviews de son créateur puis de ses successifs directeurs de rédaction, flash-back sur ses couvertures tout au long de ces 4 décennies, les 40 meilleurs livres depuis sa création, l'évolution des écrivains qui en ont fait les grandes heures...

Quel plaisir de retrouver la genèse de ce formidable magazine et de replonger dans 40 ans d'histoire littéraire ! J'ai beaucoup aimé le dossier revenant sur 40 écrivains célèbres à la manière d'un "avant/après" et sur les phrases à méditer tirées de leurs romans les plus célèbres.

Morceaux choisis de ces phrases à méditer :

"Dans la vie, ce n'est pas l'avenir qui compte, c'est le passé"
Patrick Modiano, Rue des boutiques obscures

"Nous croyons que le monde s'écroule alors qu'il ne fait que changer"
Jean d'Ormesson, Histoire du juif errant

"Lire ressemble à regarder l'horizon. D'abord on ne voit qu'une ligne noire. Puis on imagine des mondes"
Erik Orsenna, L'entreprise des Indes

"N'ayez pas peur du bonheur, il n'existe pas"
Michel Houellebecq, Rester vivant

"On n'a rien inventé de mieux que la bêtise pour se croire intelligent"
Amélie Nothomb, Métaphysique des tubes

"La différence entre les vrais durs et ceux qui optent pour la rédemption : il y en a qui ont le choix, d'autres pas"
Virginie Despentes, Apocalypse bébé

"Combien faudra-t-il d'oeuvres d'art pour mettre la beauté dans le monde ?"
Mathias Enard, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants


Joyeux anniversaire, LIRE, et continuez à nous enchanter, nous instruire, et faire s'allonger chaque mois nos piles de livres à lire !


jeudi 18 juin 2015

Cent rébus littéraires - Honoré




En hommage à Honoré, tombé sous les balles terroristes un terrible 7 janvier, Alea vient de rééditer son ouvrage Cent rébus littéraires, initialement publié en 2001.

Vous je ne sais pas, mais moi, la finesse d'esprit et le trait de crayon d'Honoré me manquent cruellement... Depuis 1983, il publiait chaque mois dans le magazine Lire, un rébus littéraire des plus subtils et je prenais grand plaisir à déchiffrer ses dessins si esthétiques qui, mis bout à bout, finissaient, ou pas, par devenir le nom d'un écrivain ou d'une oeuvre littéraire. La place qu'occupait son petit rébus dans Lire est désormais devenue une plaie béante, un trou noir, un immense vide et la subtilité, mais simplicité de sa plume cèdent à la vacuité. C'est bien simple, quand je recevais mon magazine, je me jetais systématiquement à la fin pour ce petit rendez-vous qu'Honoré me donnait et pour lequel j'aimais tant me creuser les méninges !

Cent rébus littéraires présente quelques morceaux choisis de ses énigmes plus ou moins faciles à décrypter. Personnellement, j'adore me prêter à ce petit jeu, surtout lorsque les énigmes sont présentées de manière si esthétique, et je vous encourage vivement à jouer à ces petits exercices de réflexion ludiques et culturels !

Saurez-vous déchiffrer ceux-ci ?








dimanche 14 juin 2015

Ida - Pawel Pawlikowski



Ce n'est pas un livre, c'est un film.
Un film d'une beauté inouïe.
Un film tourné en noir et blanc et en format 4/3.
Un film où l'esthétisme dégouline de toute part et à chaque seconde.
Et une histoire à la fois dure, sensible, émouvante, troublante, poignante.

L'histoire d'un apprentissage, celui d'une jeune orpheline élevée dans un couvent dans la Pologne des années 60, qui souhaite consacrer sa vie à Dieu mais qui, l'instant de quelques jours, va partir à la découverte de l'histoire de ses parents, à la découverte de sa propre histoire et se confronter à la réalité de la vie avant de faire son choix : rentrer dans les ordres ou céder aux plaisirs de la vie...

Ce film est réellement un éblouissement. On s'attend à voir un film d'art et d'essai quelque peu ennuyeux (j'ai personnellement vaquer à d'autres occupations durant les premières minutes du film avant de faire un retour arrière pour m'y replonger), on s'imagine un film pour intellectuel bobo, et en fait, on se prend une grande claque de beauté et d'émotion !
Ce film est un don du ciel, un précieux présent à apprécier, d'autant plus que son actrice principale, portée par la  grâce, est amatrice et ne souhaite pas faire carrière.
La mise en scène et les prises de vues sont simplement sublimes... Un véritable coup de coeur cinématographique








mercredi 3 juin 2015

L'histoire épatante de M. Fikry & autres trésors - Gabrielle Zevin



Sur Alice Island, il n'y a qu'une seule librairie, et à vrai dire, on n'a pas vraiment envie d'en pousser la porte tant son libraire est acariatre, bougon et taciturne. Il peut même être extrêmement désagréable, particulièrement envers Amélia, la jeune représentante d'un éditeur qui se fait bien malmener par A.J. Fikry. Mais son attitude est sans doute compréhensible car la vie a joué un sale coup à A.J. Fikry : son épouse enceinte, est décédée il y a quelques mois dans un accident de voiture alors qu'elle raccompagnait au Ferry un auteur venu en dédicace. La librairie, c'est elle qui l'avait rêvée, c'est elle qui l'avait acquérie, alors il continue à tenir la boutique, la mort dans l'âme...
Un soir, après la fermeture, il entend comme de petits cris d'oiseaux dans la boutique et découvre, abandonnée là, une fillette d'environ deux ans. Un petit mot rédigé par sa maman explique qu'elle ne peut garder l'enfant et qu'elle souhaite qu'elle soit élevée entourée de livres et que cette librairie est certainement l'endroit idéal. 
Que faire de ce petit "paquet" inattendu qui semble s'attacher à la vitesse de l'éclair à celui qu'elle appelle bien rapidement "papa" ?
La petite Maya va complètement chambouler la vie d'A.J. Fikry et, de fil en aiguille, celle de tous ceux qui l'entourent !

Il faut croire que mes lectures sont actuellement jalonnées de bons romans débordant d'émotion ! Celui-ci m'a encore transportée dans la belle histoire d'un homme que tout espoir de bonheur semble avoir abandonné et qui retrouve goût à la vie grâce à une mutine et facétieuse fillette ! Les personnages qui gravitent autour de lui sont tout autant attachants et ont toute leur importance dans l'intrigue, chacun ayant en effet un rôle bien important dans le destin et la vie de cet homme, car il s'agit bien d'une destinée dont il s'agit !

Un roman réjouissant truffé de références littéraires très recherchées et dont chaque chapitre est précédé d'une fiche de lecture de A.J. Fikry.
Lisez ce beau roman qui a bénéficié d'un très bon bouche à oreille dans le monde des livres.



L'histoire épatante de M. Fikry & autres trésors - Gabrielle Zevin
Fleuve Editions
243 pages

lundi 1 juin 2015

Sais ta chance, Bartholomew Neil - Matthew Quick




Bartholomew Neil a 39 ans et vit à Philadelphie avec sa Maman, son papa a été assassiné lorsqu'il était enfant. Il ne travaille pas mais aime passer son temps à la bibliothèque où travaille une jeune femme qu'il aimerait beaucoup aborder, mais il n'ose pas... Il l'appelle en secret "la Filleliothécaire" et aime particulièrement le soin qu'elle porte aux livres qu'elle range. Tous les samedis soirs, il va à la messe avec sa Maman, ils aiment bien le Père Mc Namee... Sa maman et lui sont de grands admirateurs de Richard Gere et regardent régulièrement les cassettes vidéo de ses films. Ainsi va la vie de Bartholomew... jusqu'au jour où sa maman meurt d'un cancer du cerveau, sur la fin de ses jours, elle délirera et appellera son fils "Richard", ce qui trouble grandement Bartholomew qui pense alors une double identité. 
Que va devenir sa vie ? Oui, parce que Bartholomew, à vrai dire, est un peu simple d'esprit... 
En rangeant les affaires de sa maman, il tombe sur une lettre de Richard Gere, ne comprend pas qu'il s'agit d'un tract distribué à grande échelle pour la défense du Tibet, et non pas un courrier personnalisé signé de la main même de l'acteur. Bartholomew va alors entamer une correspondance avec son idole, dans laquelle il confiera tous ses secrets, ses peines, ses doutes, ses interrogations, ses souvenirs... sa vie, tout simplement. L'acteur deviendra quant à lui, la conscience de Bartholomew, le conseillant et l'encourageant en cas de besoin. Mais à présent que sa maman n'est plus là, Bartholomew va devoir se débrouiller tout seul, aidé en cela par le Père Mc Namee qui va le prendre sous son aile, et par Wendy sa psychothérapeute qui l'aidera à traverser son deuil. Max et Elizabeth croiseront également son chemin, et c'est ainsi que toute la petite troupe va entamer un étrange voyage au Canada à la rencontre d'un mystérieux Parlement des chats et de la relique d'un Saint ! Ce voyage sera à l'origine de bouleversements décisifs  dans la vie de tous les protagonistes !


Sais ta chance, Bartholomew Neil, est le plus émouvant et le plus touchant livre que j'ai lu depuis longtemps, ou comment, des adultes différents des autres et vierges de toute animosité et de tout jugement pratiquent naturellement l'humanisme, l'altruisme et la générosité sans rien en attendre en retour. Le style épistolaire consistant uniquement en des lettres de Bartholomew à Richard Gere est tout à fait charmant et la manière dont il s'exprime est drôle. J'ai trouvé vraiment originale cette relation particulières entre les deux hommes qui est le socle du livre et sert de support à la narration de l'histoire.

Bref : un excellent "feel-good book" mais qui penche largement vers l'émotion et c'est ce qui en fait toute sa beauté. Je vous le conseille !


Sais ta chance, Barthalomew Neil - Matthew Quick
Préludes
378 pages